Identité Nationale : LE VRAI DEBAT

Publié le par Philippe SCHNEIDER

                                                                          

Hilaire de Crémiers

dans

Politique magazine  Janvier 2010

 

 

L’Europe, matérialiste et inhumaine, n'a fait que des sottises en la matière depuis cinquante ans. Elle paie aujourd'hui son irresponsabilité. La France y ajoute, de surplus, l'inconvénient de sa République majusculaire qui littéralement la tue.  Elle n'arrivera ni à intégrer ni à assimiler ; elle n'engendrera que des conflits, puisqu'elle est institutionnellement un conflit, c'est-à-dire le contraire de l'identité.

 

 

LE GRAND DÉBAT sur l'identité nationale a été lancé le 2 novembre par Éric Besson,  le ministre de l'Immigration, de l'Intégration et du Développement solidaire. Il l'a fait à la demande et sous l’autorité du président de la République. Ce débat est ouvert sur un site internet officiel où chacun peut s'exprimer, en principe sans censure  - mais tout le monde sait qu'il y en a une et, d'ailleurs, comment faire autrement ? - et surtout il est mené dans des réunions politiques tenues sous l'autorité des préfets et des sous-préfets qui doivent les organiser - et en faire le compte rendu -  jusqu'à fin janvier dans le cadre des 100 préfectures et des 350 sous-préfectures ; à cet effet, ces fonctionnaires de la République sont censés faire appel à tous indistinctement, Français et étrangers, élus et associations, élèves et parents d'élèves, représentants des syndicats, des entreprises, des cultes, etc... Ces discussions ont commencé, non sans susciter déjà de houleuses contestations. Dans un pays où il n'est permis de rien dire, même les ministres qui ont fait preuve de l'esprit le plus « républicain », c'est-à-dire le plus totalitairement correct, sont pris au piège de deux ou trois libres propos qui ont pu leur échapper. Et les voilà mis dans l'obligation de s'en défendre ou d'en faire repentance !

 

 

UN DÉBAT QUI SE TROMPE DE CIBLE

 

Il faut donc faire vite. Début février, tout sera clos. Le ministre Éric Besson présentera la synthèse de l'ensemble des participations, qualifiées de démocratiques, qu'un institut extérieur sera chargé d'élaborer et dont les conclusions seront mises en valeur par un grand colloque. Le président de la République en tirera lui-même les leçons. Ces procédures ont déjà à été utilisées par les gouvernements français successifs et plus de cinquante fois dans tous les domaines particulièrement l'Éducation nationale avec le profit que l'on sait !

 

La France depuis vingt ans ne cesse d'aller de grand débat en grand débat :  la salive et le papier - avec l'argent qu’il y faut dépenser - doivent avoir dans l’esprit de nos dirigeants des vertus curatives singulières pour être à même de soigner tous les maux de la société, de résoudre tous les problèmes qui pourtant n'arrêtent pas de s'accumuler et de grossir !

 

C'est que tous ces débats ne servent en réalité et au bout du compte qu'à alimenter les querelles politiciennes.

 

Déjà Sarkozy lui-même est accusé de vouloir récupérer le thème de l'identité nationale pour les prochaines élections régionales en mars prochain ; et il est vrai qu'il a décidé, de régionales qu'elles étaient, de leur donner un caractère national avec tous les risques que ce choix comporte.

 

D'où, maintenant, cette impatience d'en finir, alors que son ministre est sur la brèche et prend des coups de tous les côtés.

 

Le débat, dit-on, est mal enclenché. Les grandes consciences de gauche, socialistes ou écologistes, refusent d'y participer. De graves messieurs qui ont peur de leur ombre manifestent aussi leur réticence. Il faut dire que dans le « guide » envoyé aux fonctionnaires de la République tout est versé au débat, tout et n'importe quoi, des « valeurs » au patrimoine, des vins de France aux technologies, de la culture à la religion. Les Français et les non-Français sont invités à dire ce qui constitue l'identité nationale française. Mais il ne fait aucun doute, dans le « kit », que c'est le mot « valeurs » qui décide de tout, ce mot si mal choisi mais qui est de mode dans tous les discours ; le voici mis à toutes les sauces de cette identité ! Tout doit y convenir, y mener. Le reste n'est que prolégomènes. L’essentiel dans l'enquête est là, qu'il faut méditer pieusement comme « nos valeurs » constitutives : la démocratie, la République, la Liberté, l'Égalité, la Fraternité superbement majusculaires, l'égalité homme-femme, les services publics, la solidarité, bref, « tout le tremblement » connu, archiconnu qui fait les choux gras de la rhétorique politicienne et journalistique, sans qu'à aucun moment un seul de ces mots soit exactement défini et compris.

 

C’est comme un moulin à prières, la litanie obligée à réciter à genoux avec de longs élancements de regards et de paroles vers la grande déesse laïque, gratuite et obligatoire, la Déesse-Mère, l’Artémis aux mille mamelles que tout le monde en France se doit d'adorer.

 

Qui ne se souvient du cri antique « Elle est grande l’Artémis des Ephésiens ! » Ah, oui, aujourd'hui, « qu’elle est grande l’Artémis des Français ! ». C'est qu'elle fait vivre tant d'artistes et tant de dévots qui n'ont d'existence que par elle. Sans doute ses prêtres ne peuvent y sacrifier sans sourire sous leur manteau. Car, au vrai, qui y croit, sauf quelques corniauds qui n’ont pour eux que leur candeur. Pour les autres, ce n'est que matière à discours, dévotions obligées pour réussir leur carrière ! Telles sont les valeurs sur lesquelles les Français sont invités à se prononcer « pour réaffirmer leur fierté d'être français ». Non, ce n’est pas Bouvines, Orléans, Patay, Denain ou Verdun, des batailles nourries de leur chair et de leur sang, qui les a constitués dans leur indépendance, donc dans leur identité ; non pas, mais, selon la vulgate officielle, c'est cette série de pétitions de principes aux termes contradictoires, acceptées a priori sans même être discutées qui formeraient l'essence du Français, sa nature profonde, sa définition. On se demande bien pourquoi... Oui, pourquoi ? C'est à croire que jamais les hommes politiques français n'ont réfléchi au-delà du creux de leurs discours.

 

 

ET POURTANT L'IDENTITÉ EST CONNUE

 

Et pourtant... Oui, pourtant... ils savent bien.  Oui, quelque part, comme on dit aujourd'hui, ils savent. Tous, presque tous. Et la preuve en est éclatante. Comment se fait-il que personne n'ose la dire et même la voir ?  Quand Mitterrand veut gagner les élections contre le trop libertarien, le trop antinational Giscard, il ne se trompe pas dans son choix essentiel : c'est sur fond de clocher d'un vieux village de France qu'il fait afficher sa tête de candidat ! Et la France vote pour lui, même et surtout la France de droite, et il gagne ! C'est l’évidence : l'identité est là. Cet esprit sceptique dût s'amuser du coup, car Mitterrand était aussi socialiste et partageux qu'un bourgeois bien éduqué, cynique et égoïste peut l'être. Quand Chirac veut gagner à son tour les élections, il fait retentir la fibre nationale, celle qui chante la nation historique, l'exception française, les terroirs de nos campagnes, bref l'identité de chez nous et il gagne, alors qu’en réalité cet homme sans conviction n'est qu'un mélange de radical et d'opportuniste et que toute sa politique va au rebours de ses discours. Quand Sarkozy veut gagner de même, il débite avec frénésie une rhétorique nationale. Ce n'est pas de la rupture : il parle de la terre de France, de ses clochers, de Jeanne d’Arc. Et pour faire bonne mesure, sous l'inspiration du conseiller attitré, il cite Jaurès puisque la légende républicaine a fait de ce bourgeois, fils de bourgeois, un héros national. La boussole indique toujours le même Nord.

 

Notre peuple est abruti de bêtises par un enseignement officiel, un discours officiel qui n'est qu’une concaténation de contre-vérités dans laquelle il est enchaîné. Mais son identité, il suffit de la lui montrer du doigt comme dans un miroir pour qu'il s’y reconnaisse : il sait encore - intuitivement - ce qui fait sa permanence, sa durée dans l'être, ce qui est la définition même de l'identité dont les apparences extérieures ne sont que signes. Aucune statistique ne rendra compte de cette force intime constitutive du miracle métaphysique de l'être. On - et on, c'est le système et ceux qui en vivent - on assassine littéralement les Français avec des chiffres pour leur expliquer, leur rabâcher qu'ils ne sont plus eux-mêmes et, plus sûrement encore, qu'ils ne sont plus rien. Et même les meilleurs de nos compatriotes se laissent prendre à ces raisonnements captieux, assénés à longueur de vie : non, affirme-t-on, démontre-t-on, plus personne ne croit en la France historique et plus personne, ou si peu, dans le Dieu de cette France historique. Preuve démocratique qu'ils n'existent plus ! Évidemment tout est fait pour obtenir un tel résultat ! C'est ce qu'on voulait, c'est ce que l'on veut. Et, malheureusement, tout le monde a versé sur cette pente vertigineuse des chiffres sans se rendre compte que c'était une course à l'abîme. Même les curés et beaucoup trop longtemps - heureusement les choses changent se sont complus dans ces rengaines qui étaient l'excuse à toutes les déroutes. La France découragée, déchristianisée... on le serait à moins !

 

 

LA FIN DUNE CLASSE HYPOCRITE

 

C'est d'ailleurs ce qui fait peur aux politiciens : qu'elle reprenne courage, qu'elle se reconnaisse elle-même, qu'une voix lui dise : n'aie pas peur !   Cette pensée les terrorise.

 

Et voilà pourquoi, si régulièrement, ils tentent de reprendre à leur profit le discours national. Avec, comme on dit, tous les risques de « dérapages ». « Le lepénisme » leur a servi, leur sert encore d'épouvantail.  Dans le fond, quelque part encore, il leur est utile.  Mais ils feraient bien de se méfier. « L’épouvantail » peut attirer les moineaux, plus que les chasser !   C'est déjà arrivé...

 

C'est ainsi que tout ce monde s'est installé dans la pire des hypocrisies. Est-il permis, juste pour l'ironie, de faire la plus simple des propositions qui aurait l'avantage de situer le débat dans « le concret », dans « le quotidien » ?

 

Tout homme, toute femme publique, exerçant un mandat important ou une charge notable dans la République, tout journaliste patenté, devrait donner l'exemple en recevant chez lui., chez elle, à titre de l'assimilation ou de l'intégration, comme on voudra, les cas les plus difficiles de l'immigration sauvage, et cela évidemment sans aucune réserve : tout devant être partagé dans une sacro-sainte égalité, dans une totale liberté et dans une très douce fraternité, tout, l'appartement même de fonction, , la cuisine, la salle a manger, la chambre à coucher, la ou les voitures, les résidences secondaires, les 10 000 ou 20 000 ou 30 000 euros d'émoluments mensuels, bref tout. Si ce n'est pas fait - et, rassurons-nous, aucun d'eux ne le fera -, si ces messieurs, si ces dames gardent jalousement leurs biens et leur intimité et leur sécurité et leur argent et qu'ils osent faire retomber le poids de leurs décisions ou de leurs imprécations sur lés Français, alors il est des paroles, des discours qui ne peuvent plus passer. C'est littéralement insupportable. Ils font peser sur les gens, les pauvres gens, des fardeaux qu'eux-mêmes se gardent bien de porter... Les misérables ! Toute la sévérité de l'éternel jugement ne peut tomber que sur eux. Le voyou de banlieue passera par le trou de l'aiguille, mais pas eux ! Ah, non !

 

La vérité toute nue, c'est que ce système n’est qu'un truc de bourgeois pharisiens, tous, ou à peu près tous, sortis des bonnes écoles, des bonnes familles, qui jamais n’ont manqué de quoi que ce soit dans leur vie et qui n'ont de générosité que de paroles. C'est une République de baratineurs... Et ceux qui sont entrés dans le système et qui ne sont pas des baratineurs - et ça existe -, le savent parfaitement et le confessent volontiers dans leurs soirées amicales, en en riant à défaut d'en pleurer.

 

L’univers de ces gens est faux. Ce qui en sort est toujours faussé. Il est des Français algériens qui ont tout donné à la France, c étaient les harkis. La République les a méprisés, rejetés, eux et leurs enfants, quand elle ne les a pas livrés aux assassins. De temps en temps, ils ont droit à une récupération électorale.

 

De pauvres gens de nos anciennes colonies que nous avons bradées lamentablement, sont venus, viennent chez nous, s'installent chez nous.  La République les a utilisés, elle ne les a pas reçus ; elle est d'ailleurs, totalement incapable de les recevoir. En revanche, elle a joué à leur égard de sa démagogie, comme a son habitude ; elle a, pour des raisons électorales, suscité des lois qui n'ont fait que croître l'attirance, accélérer le mouvement et, en réalité, aggraver le problème, dans le mépris le plus total de ceux qui déjà voulaient user quelque peu de notre hospitalité. Aucune pitié pour ces pauvres gens qui se trouvent à leur tour, dans leurs mauvaises cités républicaines, submergés par toutes les nouvelles arrivées qui ne se comptent plus et que, d'ailleurs, concrètement on ne compte plus. Plus de 100 000 personnes seront naturalisées cette année ; ce sont les chiffres officiels. La France se flatte d'être la championne d’Europe en la matière !  Autrement dit, la nationalité est bradée. Même si parmi ces impétrants il y a des exemples intéressants ou touchants : il y en a toujours et tant mieux.

 

La question n'est pas là. Il ne s'agit plus de Sarkozy, de Besson, de leur grand débat sur l'identité nationale. Il s'agit de la France. L’Europe, matérialiste et inhumaine, n'a fait que des sottises en la matière depuis cinquante ans. Elle paie aujourd'hui son irresponsabilité. La France y ajoute, de surplus, l'inconvénient de sa République majusculaire qui littéralement la tue. Elle n'arrivera ni à intégrer ni à assimiler ; elle n'engendrera que des conflits, puisqu'elle est institutionnellement un conflit, c'est-à-dire le contraire de l'identité.

 

Voilà de fortes et d'amères vérités qui deviendront de plus en plus sensibles.  Après tout, ces bourgeois qui vivent des discours de la République - et de ses prébendes ! -, n'ont guère plus que des apparences de pouvoir ; ils en font les gesticulations ; ils en ont la figuration. Mais tout leur échappe, et de plus en plus. Dans 20 ans, dans 30 ans, et peut être même avant, ils ne seront plus rien. Peut-être, alors, sera-t-il possible de reconstruire et peut-être encore avec des Français, sans doute avec certains venus d’ailleurs mais qui auront un sentiment plus juste de la France et qui n'auront pas, du moins, la morgue de cette caste hypocrite, cause essentielle de nos désastres et de nos ruines.

Publié dans presse

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article