La Grèce et l'Euro par Georges Rousseau

Publié le par Philippe SCHNEIDER

 

 

Depuis quelques mois on parle beaucoup des malheurs financiers de la Grèce et de leurs conséquences sur la solidité et même sur l'existence de l'Euro. En dépit des louanges dithyrambiques de quelques journalistes aux ordres, selon lesquels la monnaie unique nous aurait " sauvé de la crise ", cette terrible crise a bel et bien touché tous les pays de la zone euro, mais à des degrés divers…

Comme c'était à prévoir, chaque pays a réagi avec ses forces et son tempérament, et l'Europe n'y a rien changé. Quand à la monnaie unique, elle ne nous a pas beaucoup aidé.

 Le défaut congénital de l'Euro

 

 Car on s'aperçoit que l'Euro, cet " avatar de monnaie ", souffre de n'être qu'un gadget, une invention de technocrates ayant mis à l'écart le bon sens : qu'on le veuille ou non, une monnaie, c'est un instrument de souveraineté ! Derrière une monnaie, il doit y avoir un Etat, responsable de l'ensemble de la politique économique, capable de lever des impôts et, en dernière analyse, capable de défendre le pays-émetteur de cette monnaie. Par exemple, la valeur du dollar américain, c'est la force de l'économie américaine, la volonté du gouvernement des Etats-Unis , et surtout, en dernier ressort, c'est la puissance de l'armée U.S., de son aviation et de sa marine et de son arsenal nucléaire… Quant on garde ses économies en dollars, que l'on soit un particulier, une entreprise ou un Etat, c'est à cela qu'on pense, c'est cela que l'on juge! Or, derrière l'Euro, contrairement au dollar, au yuan ou au rouble, il n'y a rien ! Ni Etat, ni volonté politique, ni possibilité de lever des impôts et encore moins de puissance militaire ! L'Europe, c'est le vide… Il ne faut donc pas s'étonner si, en cas de difficultés générales, l'Euro dégringole !

 

 

Le cas de la Grèce

 

 Rappelons que ce pays de dix millions d'habitants n'est pas, comme la Pologne ou la Roumanie, un nouvel arrivant dans l'Euro. Il est, comme la France et l'Allemagne, un des membres fondateurs de la monnaie unique. Ainsi, ce qui lui arrive touche à l'essentiel. Que s'est-il donc passé ? La Grèce est, comme la France, entrée dans l'Euroland, il y a sept ans, en promettant qu'elle respecterait les ratios extrêmement  difficiles à tenir du pacte de Maastricht  que nous a imposé les Allemands. Ces derniers ne voulaient absolument pas devoir sacrifier leur monnaie ultra-forte, le Deutsche Mark, contre une monnaie qui passerait son temps à dévaluer. Car l'histoire de l'Allemagne au lendemain de la première guerre mondiale a été bouleversée par la chute du Reich Mark, entraînée par une inflation galopante. Ce cataclysme a servi de tremplin au  nazisme et a mené à la seconde guerre mondiale. Tout le monde connaît l'histoire du paisible citoyen allemand emportant un cabas rempli de Reich Marks pour acheter son journal et ses allumettes ! Une monnaie forte sans inflation est donc, en matière monétaire, un dogme auxquels nos voisins d'Outre-Rhin ne veulent à aucun prix renoncer. Mais  tout  le  monde savait que les règles draconiennes fixées par le pacte  ( limite maximum de déficit budgétaire, limite maximum des dettes des Etats, limite maximum d'inflation…) seraient très difficiles, voire impossibles, à respecter par certains pays et dans certains cas. C'est ce qui est arrivé, la crise passant par là,  à la Grèce, au Portugal, à l'Espagne et à l'Irlande, et, à un degré moindre, à l'Italie et à la France. Chaque nation réagissant aux évènements à sa façon, la Grèce a cherché, avec l'aide de certaines banques, à camoufler son déficit devenu abyssal. Mais les spécialistes et les spéculateurs ne pouvaient ignorer la situation réelle. Dès lors, le prix à payer par la Grèce, sous forme d'intérêts majorés sur ses emprunts d'Etat, est considérable. C'est  pour tenter de ralentir cette hausse des taux d'intérêts que les pays de l'Euroland ont, après trois mois d'âpres discussions, accepté d'accorder certains prêts  à la Grèce, conjointement avec le FMI. Ce barrage sera-t-il suffisant ? On peut en douter quand on connaît l'énormité des montants dont dispose la spéculation  et la faible taille des prêts européens…

 

Et si la Grèce n'avait pas été dans la zone Euro ?

 

Que se serait-il passé si la Grèce n'avait pas été dans la zone Euro ? Elle aurait dévaluée massivement sa monnaie, la Drachme, entraînant ainsi une réduction du niveau de vie de sa population. Mais en contrepartie, les produits étrangers vendus en Grèce seraient devenus beaucoup plus chers pour les Grecs, diminuant ainsi les importations, et inversement, les produits grecs vendus à l'étranger seraient devenus beaucoup moins chers, favorisant ainsi leurs exportations. Dès lors, la situation se serait, au bout  de quelque temps, équilibrée à nouveau.

 

C'est pourquoi tout le monde souhaite aujourd'hui, même si on n'ose pas le dire, que la Grèce sorte de l'Euroland, afin qu'elle retrouve sa monnaie nationale et puisse dévaluer. On tergiverse beaucoup, pour des raisons essentiellement idéologiques, parce que cela fait mal au lobby européiste d'avouer que le système dont il s'est tant vanté ne vaut rien… En plus, l'exemple grec servirait de révélateur pour plusieurs autres pays de la zone Euro, qui, sans être dans une situation aussi catastrophique que la Grèce, connaissent quand même de graves difficultés. On pense en particulier à l'Espagne, au Portugal et à l'Irlande, voire à l'Italie. Autant dire qu'une bonne partie des pays de l' Euroland, surtout des pays du sud, ne pourraient pas rester dans cette zone, qui rétrécirait comme peau de chagrin, au grand dam des européistes !                                          

 

 

Et la France, dans tout cela ?

 

 

 Encore une fois, pour pousser à la construction artificielle des "  Etats-Unis d'Europe ", on a voulu forcer la machine. On a fait rentrer dans la zone Euro des pays ayant des économies disparates. Et comme on voulait absolument y inclure l'Allemagne, on a imposé à tous des règles draconiennes, qui pénalisent les pays de la zone. En particulier, la France a été soumise pendant toute la décennie 1990 à une invraisemblable cure d'austérité pour préparer l'entrée dans l'Euro, celle-ci ne devant avoir lieu, selon ces Messieurs, que lorsque le Franc serait devenu aussi solide que le Deutsche Mark…  Cette période a été suivie, depuis sept ans que la monnaie unique existe, par une situation telle qu'elle sous-entend  une croissance économique " molle " de 2 % par an maximum, entraînant un chômage très important, dépassant les 10 % de la population. 

 

 Enfin, on reconnaît aujourd'hui que l'Euro est  "surcoté ", c'est - à - dire que sa valeur sur le marché est supérieure  de 30 % par rapport aux autres monnaies, et notamment, par rapport au Dollar. On mesure l'impact négatif de cette surélévation, que rien ne justifie, sur nos exportations, et donc sur nos industries. On ne le dit pas encore, mais il est clair que la terrible cure d'austérité qui va peser sur la population de la Grèce ( et qui risque de déclencher une révolution là-bas ) nous sera inéluctablement imposée dans quelque temps, à nous les Français. Il faut donc se préparer à la refuser et à exiger la sortie de la France de ce monstre boiteux qu'est l'Euro.

 

 

Publié dans L'Actualité Politique

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